Gérard Pétremand
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Topiques | 1997-2001 | Introduction > Français > English
 

Topiques

Les photographies rassemblées par Gérard Pétremand sous le titre «Topiques» sont une représentation essentiellement paradoxale du territoire urbain. La réalité des villes s’y trouve transformée par une étrange expérience du regard, happée dans des images où les notions d’échelle, de distance, de succession des plans sont complètement bouleversées. Le regard qui cherche à se fixer sur un objet est immédiatement dévié vers un autre, puis comme diffracté vers tous les points de la photographie; la ville acquiert une nouvelle substance, de pures couleurs et formes. L’aller-retour constant et assez désordonné que notre regard effectue d’un niveau à l’autre, du réel représenté à la surface proprement formelle de l’image photographique, établit une dynamique de transformation - et nous sommes soudain transportés dans un espace virtuel.

Gérard Pétremand mène depuis plusieurs années des recherches visuelles sur le paysage urbain, concentré depuis deux ans sur la périphérie des villes européennes ou américaines, au gré de ses voyages. Du sud de la France à Sarajevo, en passant par la Finlande, la Suisse et la Silicon Valley, ce sont toujours les mêmes bretelles d’accès routier, les mêmes hangars, les mêmes rails, les mêmes immeubles, les mêmes chantiers qui émaillent ses images de leurs constructions colorées. A la différence de nombreux travaux à visée documentaire, le véritable centre de gravité des images de Gérard Pétremand est proprement photographique; il réside dans le travail sur la profondeur de champ, qui installe des zones floues et des zones nettes dans l’image, indépendamment d’une échelle linéaire des distances; chaque plan peut être à la fois flou et net, le regard est littéralement promené dans l’espace de l’image selon un parcours sinueux et aléatoire, sans aucun rapport avec un parcours physique possible dans l’espace représenté; d’où cette impression très étrange d’avoir affaire à des maquettes que nous éprouvons immanquablement. Le paysage familier devient, une fois photographié, complètement virtuel. Comme si l’espace continu et construit du monde tel que nous le connaissons et l’éprouvons se fractionnait en niveaux ou en zones de nature essentiellement différentes, mais contiguës et entrelacées. Comme si l’image photographique actualisait des espaces virtuels, révélait une géographie potentielle dans l’espace familier.

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Ce travail de révélation est sans doute le travail même de la photographie, qui fait advenir des images dans un mouvement de capture et de restitution qui relève toujours de l’abstraction. Gérard Pétremand tient avec «Topiques» le pari de joindre une multitude de perceptions très contemporaines de la ville, liée essentiellement à la notion de mouvement. Le paradoxe réside ici dans l’impression que les lieux photographiés sont des maquettes, des objets fixés, collés, de purs artefacts, bref le contraire même d’un espace de vie où les corps se déplacent - mais qu’en même temps ces espaces virtualisés obligent à un incessant mouvement du regard, métaphore d’une circulation tous azimuts. La ceinture des villes d’aujourd’hui est bel et bien ce lieu de transit, de passage, de mouvements incessants, et les photographies de Pétremand en font état simplement, sans aucune pesanteur discursive ou critique. Mais ce mouvement de la vie urbaine est aussi devenu celui de notre regard, formatté par la vidéo, en balayage perpétuel, scannant pour ainsi dire l’environnement pour y décrypter les signes de reconnaissance. Avec les images de Gérard Pétremand, le mouvement du regard n’est pas arrêté ou analysé, il est dévié et emporté vers les limites toujours fuyantes entre le monde et son image. Cette fusion de plusieurs approches simultanées du territoire suburbain n’a rien de sophistiqué dans les images de «Topiques». Elle ne demande aucun trucage, aucune retouche a posteriori, aucune intervention des technologies de l’image virtuelle - et c’est dans cette simple opération photographique que résident la puissance d’attraction et la richesse des images de Gérard Pétremand. Il n’y est pas question d’imiter par la photographie les effets de l’imagerie virtuelle, mais d’intégrer à la pratique proprement et purement photographique un regard renouvelé, dynamique et totalement contemporain sur notre environnement. Les images de «Topiques» se tiennent à distance de la photographie documentaire et de la photographie formelle, et c’est précisément parce qu’elles englobent plusieurs genres et se réclament de plusieurs appartenances qu’elles relèvent véritablement d’un art d’aujourd’hui.

Lysianne Léchot Hirt

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